J’ai toujours prétendu que le surnom Deslauriers n’était pas le résultat d’un titre prestigieux que l’on aurait accordé à Noël, en relation avec la célèbre couronne de lauriers issue d’une tradition grecque et reprise par les Romains qui l’utilisaient comme distinction honorifique. J’ai pourtant lu plusieurs textes de chercheurs sur l’histoire de Noël, dans lesquels on retenait cette hypothèse pour expliquer la raison de son surnom Deslauriers.

Lors de notre rencontre au Centre communautaire Sarto-Desnoyers de Dorval, le 24 octobre 2009, Jean-Pierre Raymond, historien et conférencier lors de notre rencontre, nous a clairement révélé que les surnoms n’étaient attribués qu’aux hommes, et plus particulièrement aux militaires, au moment de leur engagement, avant leur départ pour la Nouvelle-France.

Dans le cas de Noël, il lui a fort probablement été remis sur le quai du port de Brest, en Bretagne, port le plus rapproché de sa bourgade, Irvillac. De plus, M. Raymond nous a mentionné que ces fameux surnoms étaient remis aux militaires par un plus haut gradé dans la hiérarchie. Cette information vient donc confirmer celle que M. Hubert-Guy Legault et votre humble collaborateur avions déjà publiée dans le fascicule Notre ancêtre Noël Legault dit Deslauriers.

Nous savons que Noël avait été engagé comme soldat d’une compagnie franche de la Marine. Nous pouvons maintenant certifier, sans risquer de se tromper, que ce fut un supérieur, soldat responsable de sa compagnie, qui lui décerna son surnom, et ce, probablement en lui posant quelques questions pour étayer son choix.

Je vous transcris ici un extrait du livre de Roland Jacob, intitulé Notre nom et son histoire, Les noms de familles au Québec. Ce texte corrobore les affirmations de MM. Raymond et Legault.

LES NOMS DANS UNE SOCIÉTÉ « DISTINCTE »

Dans le domaine des noms de famille comme en bien d’autres, le Québec se distingue. En effet, même si nos ancêtres ont apporté en Nouvelle-France le système français de dénomination des personnes, nous n’en avons pas moins adopté de nombreuses façons de faire qui nous sont propres. Nous avons, j’oserais dire, « québécisé » le système. Pour illustrer cette assertion, les exemples sont légion, mais limitons-nous aux grandes lignes, d’autant plus que les recherches sur ce plan sont loin d’être terminées.

LES « NOMS DITS »

« Une proportion importante des pionniers de la Nouvelle-France sont d’anciens soldats démobilisés qui se sont établis ici à demeure. Aux temps jadis où chacun ne portait qu’un nom individuel, la coutume s’est implantée au régiment que l’officier attribue à chaque soldat de sa division un surnom qui lui permet de distinguer les homonymes. Chacun reçoit au moins un surnom, qui devient son « nom de guerre ». À sa convenance ou selon son intuition, son humeur ou le caprice du moment, l’officier décide de choisir tantôt des noms de fleurs, tantôt des noms de métiers, tantôt des lieux d’origine, etc. Après la généralisation des noms de famille, cette coutume s’est perpétuée. C’est ainsi  que nos ancêtres militaires portent tous un « nom de guerre ». Après leur démobilisation, la majorité des anciens soldats s’établissent sur la  seigneurie concédée à leur officier. Se retrouvant entre eux, les nouveaux censitaires et le seigneur continuent à utiliser les surnoms du régiment qui leur sont plus familiers que les noms de famille. C’est donc tout naturellement que les « noms de guerre » se sont, par la suite, appliqués aux enfants et se sont transmis aux générations suivantes au point que certains descendants en ont oublié leur véritable nom de famille. Voilà comment s’explique le phénomène des « noms dits » propre au Québec.

Ainsi l’ancêtre poitevin Pierre Duranceau dit Brindamour n’a pas transmis à sa descendance son nom de guerre Brindamour. En effet, lorsqu’il a quitté la seigneurie de la Rivière-du-Sud, il s’est fait connaître sous son patronyme et son surnom a été oublié, de sorte qu’aucun des BRINDAMOUR d’aujourd’hui ne le compte pour ancêtre.

En principe, un surnom vise à différencier les homonymes et vient enrichir le patrimoine des noms de famille. Chez nous, on se distingue. En effet, plusieurs douzaines d’individus portaient des noms de famille différents et nous les avons tous appelés LAROSE, LAFLEUR, LAFONTAINE ou SAINT-JEAN. Les noms de guerre se rattachant à peu près toujours aux mêmes catégories, les surnoms reviennent souvent d’un régiment ou d’une division à l’autre. Ce qui explique la  prolifération des mêmes « noms dits ». Si l’on retrouve en général dans les noms de guerre les mêmes catégories que dans les noms de famille, il reste que certaines particularités sont plus nettement associées à l’armée. Les pages qui suivent décrivent quelques constantes observées ici et qui n’ont pas à ce jour été étudiées ailleurs. C’est ce que j’appelle « des comportements qui nous sont propres ».1

Revenons à notre ancêtre à nous. L’officier qui a remis à Noël le surnom ou nom de guerre Deslauriers, a sûrement été influencé par le fait que plusieurs patelins du coin de la Bretagne possédaient des plantations de lauriers. Donc, quand M. Hubert-Guy Legault, professeur d’histoire à sa retraite et notre membre 324 affirme :

« Le nom Deslauriers qui suit le nom Legault lui vient probablement de la Bretagne (nord-ouest de la France) ; il découlait sans doute de la présence d’un arbuste caractéristique qui ornait les abords de la maison ancestrale, au Finistère. »

Il n’a pas tort.

Voici maintenant une autre explication qui elle, porte sur la morphologie du nom de famille de Noël. J’ai reçu un courriel de M. Jean-François Pellan, du Centre de généalogie du Finistère en Bretagne. Il m’a écrit ceci pour donner suite aux recherches que nous sommes à réaliser sur notre ancêtre :

« Je veux tenter de vous donner des explications sur la correspondance phonétique entre Legault et Le Goff.

Quand vous prononcez le patronyme Le Goff à la française, vous faites sonner la terminaison des deux F en finale, comme s’il y avait pratiquement un E qui suivait les deux F.

Mais, quand vous prononcez le patronyme Le Goff en langue bretonne, c’est différent, car vous dites alors Noël an Gô. Pourquoi Gô?

La réponse tient au fait que les deux F que l’on trouve en finale sont en fait une convention d’écriture équivalente à un accent circonflexe sur le O qui précède les deux F.

L’article breton est an et il est traduit par Le. On arrive donc à une prononciation bretonne francisée qui donne Lego…d’où une écriture par un prêtre au Québec qui devient Legault.

Voilà l’explication que je peux donner pour expliquer le passage d’une graphie bretonne à celle qui a cours chez vous maintenant. »

J’espère ici avoir dissipé certains mythes concernant notre ancêtre Noël Legault dit Deslauriers originaire d’Irvillac (Bretagne) en France.

Par : Luc Legault (membre 176)

 

1  JACOB, Roland Votre nom et son histoire Les noms de famille au Québec Montréal, Les Éditions de l’Homme, 2006, p. 315-316.